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BRINGING OUT THE DEAD
Martin Scorcese
USA, 1999, 35 mm, VO ENG, 121'
Il y a 25 ans, le légendaire cinéaste américain Martin Scorsese a renoué avec le scénariste Paul Schrader, qui avait contribué à lancer sa carrière en lui confiant les scénarios des classiques Taxi Driver et Raging Bull. Le résultat fut Bringing Out The Dead (À tombeau ouvert), mais en 1999 cette pépite cinématographique fut nettement moins appréciée que le résultat de leurs précédentes collaborations. De manière plus que injustifiée, ce film formidable a été noyé dans la vaste filmographie de Scorsese, qui compte aujourd'hui près de 35 longs métrages tournés sur une période de plus de 50 ans. Il a fallu attendre l'année dernière pour que le film soit enfin restauré numériquement et sorti en 4K aux Etats Unis. C'est cette version que vous pourrez désormais voir en exclusivité au Cinéma RITCS.
Comme dans un de ces autres films méconnus, After Hours de 1985, Scorsese revient à ses racines avec une histoire qui se déroule dans sa ville natale New York. Nous suivons trois nuits consécutives dans la vie de Frank, infirmier ambulancier, qui lutte contre l’épuisement et l’effondrement complet aspirant désespérément au repos et à la rédemption. Travaillant depuis longtemps de nuit dans le quartier de Hell's Kitchen, il est témoin jour après jour de terribles incidents au cours desquels il doit faire face non seulement à des victimes gravement ou autrement blessées mais également à des collègues à la limite du couteau ainsi qu’une pléiade de personnages étranges habitant le côté nocturne de New York. Entre l'accumulation d'overdoses, de crises cardiaques, de crimes violents et d'intoxications alcooliques, il est de plus en plus hanté par les images fantômes de patients qu'il n'a pas réussi à sauver.
Nicolas Cage (qui, actuellement, devient de plus en plus une caricature de lui-même à travers ses performances extrêmement amplifiées) dépeint le personnage de Frank comme quelqu'un qui tente de conserver une once d'humanité normale et de sympathie dans toute cette folie. Ce faisant, il livre une performance étonnamment discrète qui parvient à toucher une corde sensible par sa simplicité et sa sincérité. Un Tom Sizemore délicieusement maniaque, Ving Rhames, John Goodman et Patricia Arquette complètent l'excellente distribution des rôles.
Le réalisateur Martin Scorsese est en pleine forme, entraînant le spectateur dans une chevauchée infernale à travers un cauchemar baigné de lumière artificielle, au rythme d'une excellente bande-son qui mêle Motown et Punk Rock des années 70. Bringing Out The Dead déborde d'une énergie folle et est extrêmement cinétique. Cette intensité surréaliste rend le visionnage parfois épuisant, mais heureusement il y a de l'humour noir caractéristique des secouristes qui soulage la tension. Le film était peut-être un peu trop « in your face » pour les années 1990, mais aujourd’hui il confirme sa réputation culte latente et prend une signification contemporaine supplémentaire dans cette ère turbulente post-Covid, au point que Bringing Out The Dead pourrait bientôt être considéré à juste titre comme l'un des films les plus perspicaces et brillants de Scorsese.